LA PETITE HISTOIRE DE Mme PHYS, M. PHYL, Mme PSY ET L’ARBRE
Un jour d’août 2022, sur une aire d’autoroute le long de l’A1O, Madame PHYS se pose sous un arbre à la recherche d’un peu de fraicheur. Au loin, le sifflement des véhicules lui rappelle (déformation professionnelle) que le frottement est le principal obstacle au déplacement des objets en mouvement. « Toute cette énergie utilisée pour vaincre le frottement de l’air, quelle dommage » songe-t-elle. Mais bon d’un autre côté, pas le choix, les lois de la physique sont têtues…Tout juste pourrait-on se dit-elle réduire notre vitesse car le phénomène n’est pas linéaire et chaque km/h de plus impacte énormément la consommation. Plus largement, à deux ans des Jeux de Paris, elle se dit que la devise Olympique « Plus vite – Plus haut – plus fort » devrait se conclure par « Plus d’Energie ». Trop peu de personnes autour d’elle en ont conscience…
Plongée dans ses pensées, elle ne voit pas Monsieur PHYL qui vient de s’assoir à côté d’elle, lui aussi fuyant le soleil décidément trop intense de ce mois d’août. Un bref sourire crispé traversa son visage en songeant à Diogène dans son tonneau. Sans doute qu’en cet été 2022, il n’aurait accepté l’ombre que lui procurait la silhouette d’Alexandre le Grand. Regardant autour de lui, il se dit qu’il détestait vraiment l’autoroute et encore plus au mois d’août. Mais bon, pressé d’arriver en Vendée, il s’est laissé tenter par ces doubles voies et leur promesse de vitesse. Lui Monsieur PHYL, admirateur de Milan Kundera, lui qui s’est délecté de la lecture de La Lenteur, vient de tomber dans ce travers qu’il s’était promis d’éviter. Il ne sourit plus mais grimace quand cette phrase lui revient en tête « Quand les choses se passent trop vite, personne ne peut être sûr de rien, de rien du tout, même pas de soi-même ». C’est bien la dernière fois pour lui…
L’arbre est assez grand pour offrir un abri à Madame PSY. Elle qui pensait pouvoir prendre de la distance avec ses client et son cabinet, ici, au milieu de cette fourmilière, elle a le sentiment qu’à tout moment une séance va commencer. Il ne manque qu’une chaise longue… Capacité développée au fil des ans, elle ressent au plus profond d’elle cette excitation qui guide la foule. Le plaisir des vacances en est à l’origine mais fait étrange, alors que dans ses consultations, le « besoin de ralentir » s’exprime très souvent, les vacances, ou du moins le début des vacances, se traduit de manière générale par une course contre le temps. Il y a bien quelques rares familles pour lesquelles le temps n’est pas compté mais pour les autres, il est clair que la pause est une parenthèse imposée et sans plaisir avant de reprendre la route au plus vite. Etrange nature humaine qui aspire à la lenteur mais qui en parallèle court après le temps. Comme si le voyage n’avait plus aucun charme. Comme si seule la fin comptait…
L’arbre qui les écoutait ne put retenir ses feuilles. Celles-ci jaunies par la chaleur et la sécheresse ne pouvaient pas attendre l’automne avant de rejoindre le sol. A défaut de pouvoir faire pleuvoir, il en arrosa les trois penseurs. Il avait mis des années pour atteindre patiemment sa belle taille adulte. Il avait pompé dans le sol et dans l’air ce qui lui avait été mis à disposition. Des années d’abondance avaient permis une croissance rapide. Les autres, moins propices s’étaient traduites par une pousse plus modérée. Mais bon, il grandirait, au rythme de la nature en acceptant les limites, en sachant qu’il serait néanmoins un bel arbre et il profiterait de chaque instant en se rappelant que de la graine à la buche, seul le chemin compte…
N’en déplaise à Albert Einstein, la vitesse ne condense pas le temps…mais réduit nos expériences.